Série d’entrevues avec le conseil municipal de Gatineau
Steve Moran, district de Hull-Wright (7) – Action Gatineau
Sophie Demers
Le conseiller municipal Steve Moran a été élu en 2021 sous la bannière d’Action Gatineau. Il assume également les fonctions de président du comité exécutif ainsi que vice-président de la Commission Gatineau, ville en santé et de la Table de concertation du centre-ville, entre autres.
Selon vous, quelles ont été vos plus grandes réalisations au sein du conseil en 2024?
La gestion de la crise de l’itinérance par le conseil municipal. C’est un enjeu que je connais bien parce qu’il touche beaucoup mon quartier. Face à l’inaction du gouvernement du Québec, la Ville a décidé de prendre les choses en main. L’objectif est d’améliorer la qualité de vie des personnes en situation d’itinérance.
Personnellement, l’une des grandes réalisations est la renaissance du centre-ville. L’arrivée de l’épicerie est un élément clé de notre communauté. Aussi, le réseau commercial du centre-ville commence à prendre forme.
L’année dernière, quels ont été les défis les plus importants auxquels votre district a été confronté et comment ont-ils été relevés?
Je dirais que le plus grand défi est l’itinérance. Les gens ont tendance à se demander pourquoi on investit dans ce domaine. Or, il faut pousser la réflexion plus loin. L’itinérance représente un défi de taille parce qu'il s'agit d'une forme de violence faite aux personnes qui en font l'expérience, qui cache souvent toutes sortes d'autres problèmes non traités, tels que des problèmes de toxicomanie, de santé mentale ou d’autres formes de dépendance.
C’est un énorme fardeau pour le système de santé publique, mais aussi pour la société. Les problèmes de sécurité que nous voyons dans le centre-ville ne concernent pas seulement ce quartier, car tout ce qui l'entoure est touché par cette instabilité. Je suis très heureux que nous y répondions de manière structurée, avec un plan à long terme, mais aussi avec des mesures à court terme, afin de répondre aux besoins essentiels des gens.
Quels sont les commentaires des résidents du district qui ont orienté les décisions du conseil, et en quoi avez-vous tenu compte de leurs préoccupations?
Il est fascinant de voir à quel point les résidents de mon district ont de l'ambition pour leur ville. Ils veulent créer une ville fière, tournée vers l'avenir, qui relève les défis actuels tout en construisant quelque chose de grand.
Nous avons établi un plan d'action pour lutter contre les changements climatiques, lequel figurait dans le dernier budget – j’estime que c'était important. Les gens veulent voir des actions.
Quelles améliorations ou modifications ont été apportées aux infrastructures de votre district, comme les routes, les parcs et les espaces publics?
Le grand projet dans mon quartier est la réfection du boulevard Saint-Joseph. C’est un projet dont le coût s’élève à environ 70 millions et qui est planifié depuis 2018. Il est le résultat d’une démarche de consultation publique quant à l’orientation que nous voulons donner à cette artère. Une partie du projet dans mon quartier est terminée. Je dirais que c’est la réalisation la plus importante en termes d’infrastructure dans la ville.
Comment les entreprises du district ont-elles été soutenues, en particulier face aux défis tels que l’inflation et la reprise post-pandémique?
Ça touche absolument mon district. Nous avons voté, avec l'appui du gouvernement du Québec, un projet de 5 millions de dollars pour la revitalisation des entreprises. Ça a fait une différence pour beaucoup de commerces locaux.
La Ville a décidé, dans le budget qu'on vient d'adopter, de reconduire le programme. C’est donc dire que nous allons continuer à travailler à la revitalisation commerciale de l'île de Hull, du centre-ville. Et ça, c'est essentiel, parce que le retour des employés, c'est une chose, mais pour qu'on puisse réorienter notre offre commerciale aux citoyens, il y a 4 000 logements qui ont été ajoutés sur l'île de Hull.
Comment l’allocation budgétaire du district a-t-elle été dépensée et quelles étaient les principales priorités pour les dépenses locales?
Il y a plusieurs domaines dans lesquels nous pouvons dépenser notre budget discrétionnaire. Je travaille notamment avec plusieurs écoles sur des projets particuliers à venir.
Pour moi, il est important de savoir si l’initiative proposée sera déployée dans mon district ou si elle profitera à une population particulière dans mon district. J’essaie, autant que possible, de privilégier les jeunes et les personnes plus vulnérables. J'ai plusieurs quartiers pauvres qui ont besoin d'aide pour de petites choses, comme organiser une fête de Noël, ou encore, faire l'achat de sacs d’école. Le but ultime est d'utiliser le budget discrétionnaire pour aider les gens de Hull-Wright.
Quelles sont les politiques ou initiatives qui, selon vous, ont eu le plus d’impact sur la qualité de vie des résidents en 2024?
Je dirais l'amélioration du réseau cyclable. Nous avons terminé, nous avons ajouté une piste cyclable temporaire qui deviendra permanente, je l'espère. Je pense que cela a un impact sur la capacité de se déplacer de façon écoresponsable, et c'est ce que les gens veulent.
Quelles leçons tirez-vous de l’année écoulée qui orienteront vos décisions futures?
Dans le cadre de mes fonctions, j'ai été amené à rencontrer des personnes qui sont dans différentes situations, dont l'itinérance. La principale raison pour laquelle les gens se retrouvent dans cette situation est l’expulsion du logement. Les gens n'arrivent pas à payer leur loyer. Des gens qui sont fragiles pour des raisons qui n'ont rien à voir avec le logement, mais dont le premier défi est le logement. Je vous donne un exemple : une femme qui subit de la violence conjugale aux mains de son mari et qui doit quitter le domicile familial pour sauver sa peau. Trop souvent, ces femmes aboutissent dans la rue parce qu'il n'y a pas d'endroits pour les accueillir. C’est absolument inacceptable.
J’estime avoir la responsabilité de donner le plus d’explications possible aux gens, que ce soit au grand public ou même à d'autres élus, afin de les aider à saisir toute la complexité du problème.
Quelles sont vos principales priorités pour améliorer la qualité de vie dans votre district en 2025?
Le logement. Mon district est très diversifié sur le plan économique, mais, dans l'ensemble, c'est un district très défavorisé. Il faut parler de la qualité du logement. On construit actuellement 400 logements sociaux dans mon district, et des centaines d'autres sont à venir.
Comment voyez-vous l’évolution du district au cours des prochaines années et quels sont les plans à long terme mis en place pour soutenir cette vision?
Le plan particulier d’urbanisme (PPU) du centre-ville. Le PPU est un outil mis à la disposition des municipalités par le gouvernement du Québec. L’idée est de réaliser un plan détaillé qui tient compte de l’évolution des besoins et des enjeux de tous les sous-secteurs du centre-ville. Nous sommes en train de le réviser. Les décisions que nous prendrons auront des répercussions importantes pour l’avenir.
Le repeuplement du centre-ville est important car nous avons encore beaucoup de trous. En outre, la révision du PPU nous permettra d’être plus ambitieux que par le passé en matière de protection du patrimoine et de lutte aux changements climatiques.
Vous êtes le président du comité exécutif. Pour ceux qui ne le savent pas, pouvez-vous expliquer en quoi consiste votre rôle, ainsi que le fonctionnement et les responsabilités du comité?
Le comité exécutif s’occupe du budget, de la vision globale, des ressources humaines et des questions administratives, surtout financières. Il supervise toutes les décisions, la rédaction des contrats, l'embauche des personnes. Il veille également à la cohérence de l'action municipale. Mon rôle est de m’assurer que l'argent est bien dépensé, que les fonds sont disponibles pour mener à bien les actions que nous entreprenons.
Il semble y avoir un décalage entre les efforts de la Ville et les personnes en situation d’itinérance, ainsi qu'entre les membres du conseil municipal quant à la manière de gérer la crise. Pourquoi ce décalage?
La situation est très complexe. Elle concerne le logement, les infrastructures, la sécurité, la santé, et elle touche tout le monde. Il y a d'importantes divergences d'opinions quant à la manière de gérer cette situation, mais je pense que, parce qu’il s'agit d'une question complexe, les réponses sont complexes et nous devons avoir ces débats. C’est certain que les personnes en situation d’itinérance ont le sentiment d’avoir été laissées pour compte par la société, et qu’elles veulent être entendues. Je trouve très positif que non seulement le conseil municipal, la mairesse, mais aussi l'administration leur disent : « Nous vous entendons ».